
Connaissez-vous l’île de Chios ? (prononcez « Kios »)
On y trouve une richesse naturelle et patrimoniale unique : la résine du lentisque.
Photo ci-dessus : Vue sur un verger de Pistachiers lentisque sur l'île de Chios. La poudre blanche au pied des arbres est du carbonate de calcium, de la craie naturelle en poudre qui favorise la récolte de la résine qui tombe au sol.
Sur la mer Égée, entre la Grèce et la Turquie, s’étalent de nombreux îlots de petites tailles. Une exception est l’île de Chios : d’une superficie de 842 km², cette contrée fait 10 fois la surface de l’île de Ré. Chios a été habitée par l’homme depuis très longtemps, dès le 13e siècle avant J.C. Comme partout sur le pourtour méditerranéen, il y pousse un arbre appelé le Pistachier lentisque, connu depuis toujours pour sa résine que l’on tire de ses branches. Ce fameux mastic, qui lui a valu le nom de « l’arbre au mastic »… Mais sur le sud de l’île de Chios, en raison d’un climat local spécifique et d'un sol particulier, quelques arbres ont une propriété unique sur ce lieu : ils sécrètent une résine qui possède des vertus que n’ont pas les mastics des Pistachiers qui croissent dans d’autres contrées...
La légende de la résine du Pistachier lentisque de l’Île de Chios (Pistacia lentiscus var. Chios) remonte à l’époque antique. C’est en tout cas grâce aux récits des médecins Grecs et Latins qu’a débuté cette incroyable histoire. Déjà 500 ans avant J.-C., Hérodote disait que ce mastic était bénéfique à la bouche et à l’estomac…
Durant toute l’Antiquité, la résine de Chios est devenue célèbre pour son action assainissante de la cavité buccale, devant les brûlures d’estomac, et plus généralement face aux troubles du système digestif. Galien, Hippocrate, Dioscorides ont décrit des vertus qui se sont avérées, avec le temps, très pertinentes...
Au cours du Moyen-Age, dès les Croisades, la ville de Gênes rayonne durant plusieurs siècles sur toute la mer méditerranée, grâce à son activité maritime marchande prospère. C’est à cette époque qu’elle favorise la culture du lentisque dans l’île de Chios. De là, qualité et quantité font la réputation de ce produit qui s’étend dans tous les pays méditerranéens et au-delà, notamment dans les contrées musulmanes.
Reconnue alors universellement pour ses multiples vertus, la résine de Chios, encore rare et chère, est convoitée. C’est une des raisons pour laquelle l’empire Ottoman, qui se développera aux siècles suivants s’emparera avec avidité de cette île et n’en sera chassé qu’au XIXe siècle. Il faut dire que Chios n’est qu’à 8 km des côtes de la Turquie...
L’usage de cette résine en tant que produit d’hygiène devient quotidien dans les harems et plus globalement se taille une place de choix dans les produits de la santé féminine. Elle entre dans les recettes culinaires de nombreux peuples du bassin méditerranéen.
L’arbre est pourtant peu décrit dans les ouvrages de médecine ou d’herboristerie. Matthiole, au 16e siècle, fait un peu figure d’exception et rapporte, dans ses célèbres commentaires de Dioscorides, que la résine de Chios est réputée et utilisée sur tout le bassin méditerranéen. Il cite sommairement son usage pour la santé des gencives et des dents, de l’estomac et des troubles du ventre, notamment les inflammations et les saignements. Dans l’Arbolayre, nous avons eu le bonheur de découvrir un petit chapitre consacré aux vertus des feuilles du lentisque, mais aucune allusion à la résine… Au XIXe siècle, la pharmacopée française mentionne le mastic de l’île de Chios comme ingrédient secondaire dans les pansements chirurgicaux… Quel progrès !
Heureusement, on redécouvre aujourd’hui l’intérêt de cette substance peu ordinaire, alors qu’elle a été refoulée à un simple usage d’ingrédient alimentaire à la première moitié du 20e siècle. Il faut dire qu’il aurait été difficile de faire autrement : la résine du lentisque de l’île de Chios est une telle merveille qu’il est normal qu’à un moment la science s’interroge sur ses pouvoirs. Depuis les années 1970, mais surtout depuis 30 ans, ce sont des études scientifiques qui ont pris le relais pour faire reconnaître l’intérêt majeur de ce produit. Heureusement par certains côtés, mais malheureusement par d’autres. En effet, les essais cliniques qui sont faits sont trop souvent basés sur une méthodologie d’extraction d’une substance définie, un principe actif ou un groupe de principes actifs. On teste les extraits de la substance et on en oublie son « totum ». Malgré cela, ces études ont mis en évidence un panel d’actions qui, même si elles ont été étudiées séparément, s’avèrent très étendues. Passons-les rapidement en revue :
- d’abord pour la santé bucco-dentaire : c’est sur ce sujet qu’il y a eu le plus de recherches. Les conclusions convergent toutes pour reconnaître que la résine de Chios est un remède de choix face à la parodontose en inhibant le développement des bactéries responsables de cette redoutable maladie chronique (notamment Porphyromonas gingivalis). Les essais cliniques ont été nombreux, par exemple par la mastication de la résine sous forme de chewing-gums. Il y a même eu une étude en 2003 menée au Japon mettant en évidence l’intérêt de la résine du lentisque de l’île de Chios face aux inflammations gingivales et contre la prolifération bactérienne.
Mais qui peut le plus peut le moins… Cette résine améliore la mauvaise haleine, favorise tout autant que le xylitol la reminéralisation des dents. Par exemple, une étude de 2014, a mis en évidence la supériorité de la résine de Chios par rapport à d’autres extraits de plantes (calendula, inula, olea...) face au Candida albicans et de nombreuses bactéries buccales pathogènes. Une autre étude menée en 1986 a démontré qu’une simple mastication de la résine peut, sous 10 jours, entraîner une baisse significative de la plaque dentaire. C’est dire la puissance d’action de ce produit !
- pour l’estomac : de nombreuses études ont mis en évidence une action face à l’ulcère gastrique par une action bactéricide sur Helicobacter pylori. Plus généralement, les études portant sur la santé de l’estomac mettent en avant le pouvoir cicatrisant de la résine de Chios.
- sur la santé intestinale : là aussi moult références sont disponibles sur les bienfaits de ce produit sur les maladies inflammatoires de l’intestin, comme par exemple la maladie de Crohn. La résine de Chios semble avoir une action fortifiante aussi bien sur le duodénum, le grêle que le côlon. Toutes les personnes concernées par les MICI, les fameuses Maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin seront intéressées de savoir que les dernières études tendent à démontrer un effet global de la résine de Chios quand elle est utilisée sous sa forme naturelle. Comparée à d’autres composés naturels, elle montre des effets rapides et performants.
- en parallèle de ces travaux sur l’intestin, ces études ont révélé un fort impact antioxydant, au final profitable à bien d’autres parties de l’organisme.
- plus étonnant encore, il a été mis en évidence un effet hépato-protecteur de la résine de Chios. Avec notamment des recommandations face au NAFLD ou encore le NASH (Stéato-Hépatite Non Alcoolique) cette maladie nouvelle qu’on surnomme la maladie du SODA… C’est une étude toute récente, en 2019, qui a mis en évidence que cette amélioration de la santé hépatique va de pair avec une action positive sur le microbiote intestinal (j’y reviendrai plus bas...)
- d’autres études ont porté sur l’activité anti-diabétique de la résine de Chios. La première étude, qui remonte à 2006, qui portait initialement sur l’effet sur le foie et le métabolisme en général avait mis en évidence une nette action hypoglycémiante sans pouvoir en décrire le mécanisme biochimique. Par la suite, en 2011, puis 2013, et encore en 2015, des études complexes mirent en évidence une action de certains constituants de la résine sur des molécules particulières, les PPAR (peroxisome proliferator-activated receptor, -traduction : récepteur activé par les proliférateurs de peroxysomes), impliquées dans le métabolisme des lipides et de la gestion du sucre. Ces études ne permirent pas de conclure à un vrai effet bénéfique sur le diabète. C’est en 2014 qu’une autre étude, qui examina de façon plus globale les effets de la résine prise dans son ensemble, mit en évidence que c’est la combinaison de plusieurs substances, notamment les triterpènes, qui permettait d’obtenir le meilleur effet positif, par synergies d’actions, sur les PPAR.
- par la suite, d’autres études se sont intéressées au système cardio-vasculaire et ont mis en évidence des vertus contre la plaque d’athérome, en plus de se doubler d’un effet régulateur sur le cholestérol total, le LDL, le rapport cholestérol total/HDH, les lipoprotéines… En bref, une baisse du risque athérogène.
- toujours sur le sujet de la santé du système cardio-vasculaire, d’autres études ont mis en évidence son effet sur l’hypertension et la mise en évidence d’une activité anti-hypertenseur.
- et, avant le bouquet final, citons encore son action bénéfique sur la peau : la résine du pistachier de l’île de Chios a été testée face à des maladies de peau de type dermatites allergiques. L’application locale de la résine a entraîné un effet modulant immunitaire et anti-inflammatoire. Mieux encore, on a constaté des effets intéressants devant des pathologies plus compliquées comme la leishmaniose…
- enfin, voilà le meilleur pour la fin. Trois actions relèvent encore le défi : des propriétés passionnantes face à certains cancers, des activités antimicrobiennes et enfin, preuve que la science n’a pas encore tout découvert sur les vertus de ce produit, un impact sur le microbiote intestinal, que nous avons abordé ci-dessus à propos du foie.
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C’est là qu’une petite réflexion s’impose : à la lecture des publications citées ci-dessus, il y a pour moi une autre compréhension qui ressort de tout ça… Il faut faire le tri entre les études qui se basent sur des extraits de cette résine, et celles qui utilisent la globalité de la substance, ce que j’appelle le totum. C’est dans ces dernières qu’on constate les meilleurs résultats. Ce qui est amusant c’est que ce sont justement ces recherches qui concluent que la résine de lentisque entraîne un effet bénéfique à notre organisme dans plusieurs axes ou à plusieurs endroits du corps…
Je pense que dans les années à venir les chercheurs mettront en évidence des actions croisées de la résine de lentisque de l’île de Chios sur plusieurs systèmes ensemble : le système immunitaire d’abord, puisqu’on le voit dans l’exemple de maladies infectieuses chroniques comme l’ulcère de l’estomac (dû à Helicobacter pylori) ou la parodontose (due à Porphyromonas gingivalis), le système cardio-vasculaire avec une action normalisante des paramètres sanguins, notamment du cholestérol, le système digestif, où les applications sont, sur ce dernier, à plusieurs niveaux : buccal, stomacal, intestinal, hépatique… et enfin sur le système cutané par ses vertus cicatrisantes.
Quels sont les constituants qui pourraient expliquer de telles actions croisées ?
La résine du lentisque possède de nombreux principes actifs. Certaines actions thérapeutiques que nous avons détaillées ci-dessus peuvent s’expliquer par tel ou tel constituant. Mais notre pistachier possède des triterpènes, des principes actifs d’exception qui pourraient rapidement mettre les scientifiques sur la piste d’une action globale. Une étude réalisée en 2005 avait déjà listé 37 triterpènes différents. Les recherches actuelles n’en sont qu’au début pour les identifier tous. Les triterpènes sont des molécules plutôt rares, qui font partie de la grande famille des terpénoïdes. Ce grand groupe concerne un grand nombre de plantes médicinales, à commencer par les plantes à huiles essentielles et à oléorésines, dont fait partie la résine du lentisque. Mais dans le monde végétal, les triterpènes ne sont pas des molécules si répandues que ça, et quand les vertus à propos d’une substance comme la résine de Chios s’annoncent être aussi variées, ça doit interroger...
Il existe une plante, bien connue de tout le monde, le ginseng, qui possède aussi des triterpènes particuliers, appelés aujourd’hui les ginsenosides. C’est l’action de ces molécules spécifiques qui explique les vertus adaptogènes du ginseng… Tout récemment on vient de mettre en évidence qu’un de ces ginsenosides est susceptible d’agir sur la flore intestinale et qu’en retour ce dernier est métabolisé en un autre composé qui présente des vertus supérieures au ginsenoside de départ. En d’autres termes, notre flore intestinale participe à rendre le ginseng plus vertueux… Et encore mieux, une autre étude, elle aussi toute récente, conclut que certains micro-organismes, notamment des champignons, qui se développent en symbiose sur les parois de la racine de ginseng, lors de sa culture, favorisent la synthèse de ces ginsenosides… Là aussi, il est question de symbiose, d’échanges, de communication….
Les habitants de l’île de Chios qui ont la chance de posséder des pistachiers procèdent chaque année et à la bonne saison, à des scarifications sur les branches de l’arbre, en cisaillant l’écorce. Dans les jours qui suivent, l’arbre synthétise cet exsudat comme s’il cherchait à se soigner de ses blessures. C’est ainsi qu’ils obtiennent cette résine unique et de premier choix. Pour ma part, je ne peux que faire le parallèle avec les soins que cet arbuste nous prodigue : soins buccaux face à une bactérie pathogène invasive terriblement dangereuse qui agresse la zone parodontale de nos dents (la zone de contact dent ↔ os), ulcère gastrique avec Helicobacter pylori, amélioration de la muqueuse intestinale (même dans le cas de la maladie de Crohn!) … En découvrant les vertus du lentisque, j’ai pensé au début que cette plante « cachait son jeu » et était une plante adaptogène. Aujourd’hui, je formule une autre hypothèse, un peu osée, que voici :
Les anti-biotiques sont là pour tuer des germes indésirables, à commencer par des bactéries. Inversement, vous connaissez les pro-biotiques, qui sont des bactéries vivantes que l’on absorbe « en vue de régénérer la flore intestinale » nous disent les labos (c’est pas tout à fait vrai, mais passons…). Vous avez aussi certainement entendu parler des pré-biotiques qui sont des substances qui ont pour rôle de nourrir notre flore. Dernièrement, un nouveau mot est apparu, celui de post-biotiques, et j’aurai l’occasion de vous en dire plus à ce propos… Revenons à notre résine : je fais l’hypothèse que le lentisque est une plante adaptogène qui agit de façon subtile et complémentaire sur notre flore intestinale, que ce soit au niveau buccal, au niveau stomacal, ou au niveau intestinal… Je soupçonne qu’elle pourrait avoir une action sur la flore vaginale. Et quand le lentisque agit aussi comme cicatrisant, ne peut-on y voir une action aussi sur la flore cutanée ?
Pour moi, la résine de lentisque serait un adapto-biotique. C’est à dire une substance qui va avoir un effet de coach sur notre microbiote… Pour le rendre plus en forme, mais surtout pour que le dialogue avec le système immunitaire soit plus efficient !
Alors, comment faire ?
Si vous êtes concerné par un problème de santé où la résine de lentisque s’avère prometteuse, je vous invite à associer ce produit à ce que vous faites déjà. Tout comme je l’avais déjà expliqué à propos de la schisandra dans le dernier blog que j’ai rédigé, on peut soit l’associer à d’autres remèdes naturels, soit le prendre en alternance. Ce sera le cas pour un meilleur équilibre du cholestérol, pour améliorer sa circulation sanguine si vos résultats sanguins sont tangents (à associer à un dépuratif), pour mieux gérer le sucre et corriger un pré-diabète avant que ça n’aille plus loin…
Si vous êtes sous traitement pour une parodontose, parlez à votre médecin de votre souhait d’associer la résine du lentisque à votre protocole. Idem face à Helicobacter pylori ou la maladie du soda...
Il y a deux façons d’utiliser cette plante au quotidien :
1- pour une action "globale" sur le microbiote (comprenez ici tous les microbiotes en fait : buccal, intestinal, cutané, vaginal…) : préférez une gélule le soir au coucher avec un petit verre d’eau. Faites une cure de 10 à 20 jours, suivie d’une pause de moitié environ (5 à 10 jours) et renouvelez. Vous pouvez aussi l’alterner avec quelques probiotiques de bonne qualité durant 2 ou 3 jours. Pas plus...
2- pour une action plus ciblée, en cohérence avec les prescriptions de votre médecin si besoin, prenez avant chaque repas une gélule. L’idéal est de la prendre une demi-heure avant le début du repas, avec un verre d’eau ou un jus de fruit.
S’il vous plaît, je suis preneur de vos retours. En tant qu’herboristes, c’est grâce à vos retours que nous pouvons progresser dans nos hypothèses, et donc dans nos pertinences. Donc, un grand merci à vous toutes et à vous tous pour vos témoignages que nous recevons régulièrement !
Ah oui, j’oubliais : les agriculteurs qui possèdent des vergers de lentisques plantés au sud de l’île de Chios sont tous réunis au sein d’une association professionnelle qui veille à l’éthique et la qualité de leur produit. Déjà en 1997, ils avaient posé une AOP (Appellation d’Origine Protégée). Puis en 2014, le savoir-faire de la culture du Pistachier lentisque et de la récolte de sa résine ont été inscrits sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’Humanité de l’UNESCO. Heureusement, car en 2009, ils ont subi un terrible incendie de forêt qui a impacté 90 % des vergers. Une catastrophe. On est passé pas loin de l’extinction de cette variété d’arbre, ce qui aurait été un drame pour tous les humains… J’ai toujours associé mon métier à la protection de l’environnement. Encore plus aujourd’hui je continue en vous proposant un produit de qualité, naturel, et précieux, et dont la commercialisation profite d’abord aux producteurs. Depuis 2009, ils ont replanté de nouveaux arbres qui commencent à être productifs. J’espère que pour vous aussi, une nouvelle ère s’annonce : celle d’une santé consolidée…
Le produit est disponible sur la page du site de vente en ligne ICI.
Herboristement vôtre,
Jean-François Astier