
Par Jean-François Astier
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La baie aux 5 saveurs est un petit fruit produit par un arbuste du nom de schisandra (Schisandra chinensis), qui est originaire du nord de la Chine, de la Sibérie extrême orientale, de la Corée et d’îles du nord du Japon. Cette baie est comestible et riche en principes actifs étonnants… Elle est commercialisée en tant que complément alimentaire sous forme de gélules à partir du totum des baies.
On l’appelle ainsi parce qu’on dit qu’elle permet de découvrir sur la langue les 5 zones qui permettent d’identifier les 5 saveurs fondamentales du goût. Je pense que la vraie légende de la baie aux 5 saveurs est à rechercher ailleurs...
Effectivement, quand vous prenez pour la première fois une baie de schisandra dans votre bouche, vous découvrez une sensation très originale qui est un melting-pot de saveurs. Et, les secondes passant, les plus attentifs réussissent à identifier les fameux sens qui sont le salé, le sucré, l’amer, l’acide, l’umami (ce dernier sens s’apparente à la reconnaissance des protéines dit-on).
Pourtant, ce n’est pas dans ce but que je la conseille, loin de là.
Je détaille dans cet article des découvertes récentes en biologie, qui retentissent sur la compréhension des plantes adaptogènes et notamment la schisandra.
Je vous propose un voyage en trois temps : 1- un peu d’histoire, 2- les découvertes faites il y a quelques années par deux chercheurs sur la cellule nerveuse et qui, au final, concerne la schisandra, et 3- ses vertus et son emploi en tant que complément alimentaire.
Je vous l’accorde par avance, la partie 2, qui expose cette découverte pourra être inaccessible pour beaucoup. N’hésitez pas, si vous ne disposez pas de bases suffisantes en biologie, pour aller directement à la troisième partie.
1- Son histoire et ses constituants
Les premiers écrits sur la schisandra remontent au 1er siècle avant J.-C. en Chine. C’est une plante qui a longtemps été utilisée par la médecine traditionnelle chinoise en tant que plante d’harmonie. Durant des décennies, les herboristes chinois l’ont présentée comme « un remède pour prolonger les années sans vieillir », comme « protecteur de la jeunesse » ou de « l’énergie vitale », mais elle a été aussi citée face aux fatigues chroniques, ou encore comme tonique sexuel chez l’homme.
Nous la connaissons aujourd’hui grâce aux intenses travaux qui ont été menés par l’Union Soviétique depuis la guerre 39-45 et jusqu’à la chute du mur de Berlin. A cette époque les dirigeants russes recherchaient des plantes aux vertus adaptogènes. C’est ainsi que les propriétés médicinales de l’éleuthérocoque, mais aussi de la rhodiola, ont été précisées largement. Les Russes cherchaient alors une alternative au ginseng. Ils ont ainsi retenu 7 plantes qui sont l’aralia, l’oplopanax, l’éleuthérocoque, le ginseng, le rhaponticum, la rhodiola, et enfin, la schisandra.
Mais pour la schisandra, l’affaire a commencé bien avant… Dès 1895, un botaniste russe, Komarov, a enquêté dans la Sibérie extrême orientale et dans le nord de la Mandchourie. La-bas, les chasseurs de la tribu Nanai lui ont alors révélé les vertus de notre baie aux 5 saveurs. Ils la consommaient contre la faim, la soif, l’épuisement et pour améliorer la vision nocturne. Ils récoltaient les grappes très fournies de ses fruits sur les flancs des montagnes boisées et sur les bords de rivières. Les premières publications sur la schisandra ont été faites durant la 2e guerre mondiale… en russe ! Les années passant, il y a à peine trente ans, à la fin du siècle dernier, cette plante était, au final, inscrite à la Pharmacopée Officielle de la Corée du Nord, de la Corée du Sud, du Japon, de la Chine, et de la Russie. Dans cette dernière, elle était simplement répertoriée comme utile face au diabète sucré ou face aux hépatites virales… Deux allégations diverses qui masquaient la vraie réalité de cette plante... Comme pour la rhodiola qui a carrément été classée « secret défense », les Russes la jouaient dans la discrétion. Mais pourquoi donc ? Était-elle utilisée comme l’éleuthérocoque pour les astronautes ou l’armée ?
C’est avec ces éléments qu’en Occident, après la chute du mur de Berlin, ce peu d’informations arrivait à la connaissance des passionnés de plantes médicinales comme moi…
Au début des années 2000 pendant mes études en naturopathie, j’ai eu la chance de rencontrer un ostéopathe qui nous délivrait les cours d’anatomie, et, lors d’un débriefing sur le système nerveux, nous avait alerté sur la nécessité de prendre en compte les échanges que ce dernier avait avec le système hormonal et le système immunitaire. « Il faut bien comprendre que ces trois systèmes communiquent entre eux, et que c’est à travers ces dialogues que ces trois systèmes trouvent leur équilibre et leur plein épanouissement… ». A cette même époque, je me passionnais pour le ginseng, et c’est ainsi que la notion de plante d’harmonie de la Médecine Traditionnelle Chinoise m’apparut mieux répondre à la définition de la plante adaptogène, définition très limitative proposée alors en Occident…
En effet, dans la foulée des travaux des Russes, la communauté scientifique (comprenez par là la communauté scientifique occidentale ! ) disait d’une plante adaptogène qu’elle exerçait une action anti-stress en stimulant la capacité de réponse de l’organisme face à un agent stressant extérieur sans porter atteinte à l’intégrité du système… En d’autres mots, une plante adaptogène stimulait les surrénales sans les épuiser. Ils rajoutaient qu’une plante adaptogène était aussi non toxique, et n’avait pas d’action ciblée (entendez par là qu’elle avait une action globale). Quelle définition bizarre, ne trouvez-vous pas ? Comment peut-on définir quelque chose en utilisant des négations ?
Revenons à notre schisandra. En quoi cette plante est-elle merveilleuse ?
À mon avis, il faut comprendre que la baie aux 5 saveurs désigne une plante qui en réalité agit sur les 5 sens de la perception : le toucher, l’ouïe, l’odorat, la vue et le goût… et offre ainsi un meilleur niveau de perception de notre environnement. Grâce à la schisandra, vos 5 sens sont tout bonnement… émoustillés !
Schisandra chinensis contient une famille de molécules peu différentes entre elles, groupées sous le nom de lignanes. À ma connaissance, on a identifié 9 structures de lignanes différentes, mais les recherches qui se poursuivent en dénichent régulièrement de nouvelles… Ce qu’il faut comprendre, c’est que ces molécules ont des structures proches des catécholamines. Or les catécholamines sont tout simplement des molécules que nous synthétisons dans notre corps et qui jouent le rôle de neurotransmetteurs et d’hormones comme l’adrénaline, la noradrénaline, la dopamine…
2- Découvertes récentes en biologie
Pour les passionnés de la chimie, précisons que notre alimentation nous procure un acide aminé du nom de tyrosine, un apport via la fourchette utile si nous n’en fabriquons pas assez. À partir de cet acide aminé, la synthèse des catécholamines dans notre corps est un jeu d’enfant. Et cette fois-ci, pour les passionnés de pharmacologie, ajoutons que dans la rhodiola, on trouve de la rosavine, qui est une lignane aussi…
Vous l’aurez sans doute déduit, ces lignanes vont jouer le rôle de principes actifs intervenant au niveau du tissu nerveux d’une part, pour compléter subtilement les actions de nos neuro-transmetteurs (qui sont particulièrement sollicités dans nos 5 sens...), mais aussi au niveau hormonal, notamment dans les équilibres dynamiques du côté des surrénales. En fait ce panel de lignanes, va nous réserver un panel de surprises.
En plus de ces lignanes que l’on trouve dans les baies aux 5 saveurs, il faut préciser que les analyses ont mis en évidence la présence d’une huile essentielle aux composés complexes, beaucoup d’acide malique et d’acide citrique, des vitamines A, C et E, de nombreux minéraux traces, et une grande panoplie d’acides gras… Bref, un cocktail impressionnant d’actifs… Dans la région de Russie au Nord de la Chine, les ramasseurs l’appellent le citronnier, car toute la plante dégage une odeur de citron…
Notre science occidentale a procédé à des essais cliniques et des études plus ou moins diverses pour finalement arriver aux mêmes conclusions que les médecines traditionnelles extrêmes orientales qui n’ont pas eu besoin de recourir aux tests sur les souris ni aux tubes à essais… Aujourd’hui, les médecines traditionnelles tout autant que la médecine conventionnelle disent de Schisandra chinensis qu’elle est pourvue de quatre vertus essentielles :
- une action hépato-protectrice (protecteur du foie).
- une action cardiovasculaire,
- une action anti-inflammatoire,
- et une activité adaptogène !
Je vais vous surprendre… Pour moi, la schisandra n’a qu’une seule vraie vertu, la dernière de la liste ci-dessus. Celle d’être adaptogène. Je m’explique. Les recherches qui sont menées tambour battant depuis deux décennies sur toutes les plantes adaptogènes à travers le monde ont permis de faire avancer la compréhension de leurs modes d’action. Et une vraie révolution se prépare… Il y a 50 ans, on avait posé une définition très limitative de la plante adaptogène : action non toxique, action anti-stress non-spécifique, et action normalisante, ce que je décrivais plus haut. Cette définition qu’avait proposée Breckman, un chercheur russe et référence en la matière, est restée active des décennies durant...
Pour ma part, dans le premier livre que j’avais publié sur la rhodiola en 2010, je me suis risqué à écrire que « … le système de réponse au stress […] emprunte trois grandes voies : il passe par le système nerveux, le système hormonal et le système immunitaire. »
Mais pourquoi diable toutes ces notions abstraites sont-elles si importantes ? Parce que le résultat, ces fameuses vertus de la schisandra, est largement au dessus de ce qu’on pourrait en attendre au départ… Continuons à creuser si vous le voulez bien, et il nous faut faire ici un aparté en rappelant ce qu’est l’homéostasie… S’il n’y avait pas d’homéostasie, nous ne serions pas vivants longtemps…
Dans notre corps, l’homéostasie est l’ensemble des processus physiologiques de régulation qui maintiennent les différentes constantes du milieu intérieur dans les limites des valeurs normales.
Par exemple, les reins régulent le métabolisme de l’eau, l’intestin évacue les résidus des aliments ingérés et des sécrétions digestives. Mais pour de nombreuses substances, cet équilibre est le fruit de mécanismes de contrôle rétroactifs hormonaux. C’est ainsi que la glycémie est contrôlée par des hormones soit hypo soit hyperglycémiantes...
En 1925, Hans Selye, le célèbre médecin qui a inventé la notion de stress, et alors qu’il n’était encore qu’un jeune étudiant en médecine, eut l’idée du concept du syndrome général d’adaptation. Il décrivit comment des stimuli extérieurs (ou intérieurs parfois) pouvaient, lorsqu’ils étaient répétés, perturber l’équilibre du corps. Entendez par là l’homéostasie…
Nous l’avons toutes et tous déjà tellement testé ce fameux stress. On le sait, quand ça se répète, on a l’impression qu’à un certain seuil, ça va être l’épuisement… Et quand en plus, on a mal mangé, mal dormi ou qu’on sort d’une bonne grippe, on est encore plus « fragile ».
Or, dans notre corps, face au stress, l’homéostasie mobilise les systèmes nerveux, hormonaux et immunitaires d’une part, mais utilise de nombreuses voies métaboliques et biochimiques différentes, qui, au passage, ont recours à des neurotransmetteurs d’alerte et de réaction… Car si l’homéostasie est un équilibre, le stress est une incapacité temporaire à maintenir cet état stable. Et notre corps a donc pour objectif PRIORITAIRE de chercher toutes les solutions pour S’ADAPTER au plus vite et au mieux à cette situation dangereuse. En fait, c’est un mécanisme de survie.
Nous allons voir que les cellules de notre corps ne sont pas nées de la dernière pluie et que la Vie a développé des petits systèmes géniaux...
L’adaptation serait donc cette résultante. Tout simplement ? Pas si simple, car quand les phénomènes se répètent, notre corps épuise ses ressources et ses solutions de premier plan. Et ce n’est certainement pas la prise d’un bon café supplémentaire qui va tout résoudre, bien au contraire ! C’est ainsi que pour mieux comprendre ces réactions vitales, d’autres termes ont été posés comme l’adaptabilité, la résilience, l’hormèse, etc.
Pour faire simple (même quand c’est compliqué) disons que les plantes adaptogènes aident les mécanismes d’action adaptatifs dans le maintien de l’homéostasie.
Comme chez toutes les plantes adaptogènes, les principes actifs de la schisandra sont en réalité « multi-cibles », et c’est en posant cette caractéristique qu’on comprend tout.
Dans notre corps, toutes nos fonctions physiologiques sont régulées par environ 30.000 gènes et fragments d’ADN, situés dans le noyau de chaque cellule. Pour qu’une fonction soit active, il faut stimuler le gène qui est propre à cette fonction. Et pour l’activer, il faut que les cellules reçoivent des stimuli en ce sens. Les grands systèmes concernés par le stress sont en premier le système nerveux, le système hormonal et le système immunitaire, mais les systèmes cardio-vasculaire, gastro-intestinal et digestifs sont très concernés aussi.
A l’échelle de la cellule, en amont d’un gène il y a une grande quantité de récepteurs différents qui vont « informer » par libération de messagers, les gènes concernés.
Dans une étude publiée en 2012, deux chercheurs ont montré la complexité du phénomène en prenant pour sujet d’étude la cellule neuronale. Ils ont identifié plusieurs neurotransmetteurs biochimiques qui « fatiguent » en quelque sorte le neurone au fil du temps.
Ils se sont aperçus que la phase de vie dans les premières années est différente de celle à l’âge adulte, où rapidement, les phénomènes de vieillissement se font sentir. Sauf que pendant les premières années où débute ce stress de vieillissement, les cellules développent des mécanismes « anti-vieillissement » où entrent en jeu les célèbres « anti-oxydants ». Si le régime alimentaire est majoritairement déséquilibré tel que le définit la diététique officielle et la médecine (excès de sucres raffinés, de graisses saturées, d’alcool, de tabac…), le processus de vieillissement s’amplifie. Et si des facteurs de protection tel que les anti-oxydants sont suffisants, ils joueront alors pleinement leur rôle. Mais dans une certaine plage d’action seulement et comme cette plage est justement limitée, c’est vite la porte ouverte à des catastrophes potentielles…
Pour imager ce phénomène, il faut se représenter ce phénomène comme une sorte de balance à plateau. D’un coté on a des facteurs de vieillissement qui pèsent sur le quotidien de la cellule, et sur l’autre plateau, ils sont compensés par des mécanismes « basiques » comme les anti-oxydants. Mais si le poids des facteurs de vieillissement s’accentue, on risque de bloquer la balance. A un certain seuil, le contrepoids ne se fera plus. C’est la prédisposition aux vieillissements accélérés et/ou la prédisposition à des maladies dégénératives...
L’originalité de la publication de ces deux auteurs est qu’elle met le doigt sur le phénomène de la restriction énergétique. Pour eux, il est le second facteur à induire une capacité anti-vieillissement durable au niveau de la cellule et de son fonctionnement, le premier étant celui décrit au paragraphe ci-dessus. Ils citent d’autres études dans lesquelles des essais de longue durée sur des animaux (notamment des singes) ont mis en évidence que l’évolution d’une maladie dégénérative comme Alzeimer, Hutchinson ou Parkinson peut être contrebalancée par une telle politique alimentaire. C’est là qu’il est difficile de faire l’extrapolation à l’homme sans se prendre les foudres de la communauté scientifique qui dira qu’on va trop vite… Admettons…
Sauf que… Sauf que la restriction énergétique globale, comme un jeûne court, entraîne au niveau de la cellule une forme de mini-stress qui, en fait, lui est profitable. Car durant cette phase sous l’action particulière de neurotransmetteurs autres (comprenez là que ces autres neurotransmetteurs informent la cellule de la restriction alimentaire ponctuelle), la cellule va réagir en développant justement des mécanismes de réparation ou de survie. Des mécanismes anti-vieillissement qui sont là, présents à la base, mais qui n’ont pas été sollicités jusqu’à présent… Ici, sous cette contrainte restrictive alimentaire, ces facteurs se trouvent non seulement sollicités (ou bio-activés si vous préférez), mais surtout, les voies biochimiques qu’elles induisent sont davantage développées.
Toujours pour se représenter mieux le phénomène, imaginons que cette fois-ci, la cellule utilise une seconde balance à plateaux qui viendra en quelque sorte renforcer la première. Je pense que les études ultérieures mettront en évidence que cette seconde parade est plus « robuste » ou « résiliente » que la première.
Beaucoup de recherches récentes qui portent sur les effets des plantes adaptogènes se sont focalisées sur l’action de leurs constituants de type lignanes (ou autres molécules se comportant comme des neurotransmetteurs) au niveau des cellules cibles des tissus immunitaires, nerveux ou hormonaux, à la façon de cette étude conduite par ces deux chercheurs.
Et les premiers résultats sont tout bonnement époustouflants (mais faut pas le dire trop vite…). En effet, on s’aperçoit que sous l’effet des plantes adaptogènes, on stimule des voies de neurotransmetteurs équivalentes à celles induites lors des situations de restriction alimentaire. Ce ne sont pas exactement les mêmes et on ne peut pas en conclure que l’action des plantes adaptogènes est la même que dans la restriction alimentaire. Identique non, mais similaire, oui… C’est l’image de notre seconde balance qui vient compléter la première.
Revenons à nos 30.000 gènes dont nous parlions plus haut. Dans des situations de stress chronique, ou de terrains inflammatoires qui n’en finissent pas, certains gènes sont malheureusement activés et favorisent l’évolution de maladies dégénératives. Pour exemple, sur la sphère digestive, en présence de pathologies telles que le cancer colorectal, les tumeurs gastro-intestinales ou tout bonnement l’atrophie de la muqueuse gastrique, on a mis en évidence l’implication de 132 gènes… Or ces tissus digestifs complexes (donc des cellules, donc des noyaux cellulaires, et donc des gènes…) sont fortement innervés. C’est pas pour rien qu’on parle de second cerveau ! A l’échelle d’une cellule nerveuse (implantée dans le système digestif), il y a des récepteurs qui vont recevoir des messages de neurotransmetteurs particuliers (engendrés par l’apport de substances adaptogènes comme Schisandra chinensis) et qui vont informer ces gènes en leur proposant une action corrective. Certains gènes se verront régulés à la baisse, d’autres à la hausse.
C’est là qu’est la subtilité du phénomène : l’action des adaptogènes n’est pas une action directe. Si dans certains cas, il peut y avoir une action directe de stimulation ou d’inhibition, ici, c’est un phénomène de modulation qui se met en place, modulation par une régulation à la baisse ou modulation par une régulation à la hausse… L’image de notre seconde balance à plateaux : un phénomène de régulation qu’on pourrait qualifier de « première intention ».
Diable ! Si la seconde balance à plateaux devient « première », cela se complique… Précisons en effet un petit détail. Dans le livre que j’avais écrit il y a quelques années sur la rhodiola, j’avais représenté dans la figure ci-dessous l’action de la plante adaptogène sur le corps. Les deux courbes ci-dessous illustrent mes propos. Regardons notamment de près le tout début de ces courbes.
La courbe rouge démarre au niveau de l’homéostasie de l’organisme (ligne verte du bas). Point de départ dit « normal ». L’organisme est en simple état de veille, et il se maintient dans un état équilibré d’homéostasie. Quand le stress arrive, la phase d’alarme mobilise des ressources et la courbe descend en dessous de ce seuil. Puis la réaction au stress entraîne une réaction exacerbée, qui dure dans le temps par nécessité, et qui conduira à une phase d’épuisement si le stress continue.
La courbe bleue, qui représente le comportement de l’organisme accompagné de l’effet d’une plante adaptogène, voit son point de départ plus haut que la courbe rouge. Et c’est là qu’est la clé (cette « première intention »), mais je vais y revenir après. Remarquons d’abord que la courbe monte plus vite, ce qui veut dire que la réaction au stress est plus rapide. Ensuite, la courbe bleue monte moins haut que la rouge : la réaction au stress se fait mieux, dure plus longtemps, mais si elle doit continuer n’entraîne pas de chute d’épuisement.
Évidemment, me direz-vous, tout le monde aimerait avoir une réponse au stress conforme à la courbe bleue… Oui, évidemment… Évidemment !
Eh bien, une solution très simple est d’utiliser des plantes adaptogènes pour positionner son corps sur la ligne de départ de la courbe bleue plutôt que ne rien faire et se retrouver sur la ligne rouge… C’est ça la première intention.
Sous l’effet des plantes adaptogènes, l’organisme va enclencher cette fameuse 2e balance avant même qu’un éventuel stress grave ne vienne perturber la première balance à plateaux.
Voilà… les recherches actuelles tendent à mettre ça en évidence. Pour les chercheurs, la complexité du phénomène est à deux niveaux : il faut d’une part mettre en évidence ces systèmes biochimiques de modulation et comprendre comment ils fonctionnent dans le détail. Les recherches en cours n’en sont qu’au début ! Mais surtout, il est important de saisir que ce phénomène existe sur toutes les cellules soumises au stress… A commencer par les cellules des tissus des systèmes nerveux, hormonaux et immunitaires… (mais aussi digestif, gastro-intestinal, cardio-vasculaire). Ça en fait un grand nombre. Et comme à chaque fois, on mobilise des voies métaboliques différentes, il est difficile de faire une synthèse.
En règle générale, on tire des conclusions générales, des tendances, et on se fait taper sur les doigts en disant que tout cela c’est bien gentil, mais pas prouvé par des essais cliniques. Évidemment, vu le nombre différents de cellules impliquées, les voies métaboliques différentes... Et je n’ose même pas aborder le nombre de gènes impliqués !
Résumons-nous : les plantes adaptogènes agissent sur un grand nombre de tissus différents, selon des voies biochimiques originales, multiples, et dont les recherches actuelles commencent à peine à lister les gènes impliqués dans ces processus. Mais globalement, les premiers résultats confirment ce que les médecines traditionnelles disent depuis toujours de ces plantes...
Pour en revenir à notre schisandra, il faut bien comprendre que des dizaines d’études ont été réalisées en URSS à la fin du siècle dernier, mais n’ont pas fait l’objet de traductions au profit de la communauté scientifique mondiale. Inversement, on constate une vertigineuse augmentation des publications faites à travers le monde et publiées en langue anglaise, depuis vingt ans seulement...
PubMed : nombre d’études publiées au fil des ans sur la Schisandra chinensis
Alors, que disent-elles ces études ? Je citais précédemment 4 vertus principales. En réalité on peut détailler un peu plus pour mieux comprendre…
Les premières études russes, au siècle dernier, dans les années 1970 essentiellement, ont porté sur l’animal et ont mis en évidence un effet sur l’endurance physique. Avec une complémentation alimentaire de schisandra, des souris étaient capables de mieux résister à la gravité en se tenant sur une tige ou de mieux nager. Dans plusieurs études, on a fait nager des souris : les statistiques ont mis en évidence une meilleure capacité à la natation comprise entre 39 et 69 %. Dans l’une d’elles, des souris sans apport de schisandra ont nagé 71 min, celles avec schisandra 120 min. À l’arrêt de cette supplémentation, lors d’autres tests, les effets se faisaient sentir encore sur 72 h. D’autres études, toujours sur animaux ont apporté des conclusions positives sur la gestion du stress, par des tests face à la chaleur ou au froid, et ont conduit à envisager que la schisandra améliore la gestion de l’oxygène dans le corps, ce qui a été confirmé ultérieurement.
L’activité détoxifiante hépatique a été testée sur des souris avec succès, ainsi que des activités antioxydantes. D’autres études ont mis en évidence un effet positif sur le système nerveux central avec des résultats différents par rapport aux tests avec de la caféine. De plus, des surdosages montraient un effet inverse. C’est ainsi qu’un effet « modulant » a été mis en évidence, notamment sur le système sympathique. D’autres études ont porté sur la gestion de la glycémie, et là aussi, la schisandra a montré son rôle normo-glycémiant. Enfin des études ont porté sur les réactions inflammatoires devant des stress : sous apport de schisandra, les résultats concluaient à une action anti-inflammatoire de la schisandra, elle-même combinée à une meilleure réponse du système immunitaire. Enfin, des propriétés vasodilatatrices et de régulation de la tension artérielle ont aussi été probantes à travers d’autres études.
Les études récentes (depuis 20 ans environ) ont davantage porté soit sur des études biochimiques soit sur des études cliniques sur des sujets sains. En résumé disons que :
au niveau tissulaire :
- la schisandra peut avoir un effet direct sur certains muscles : cardiaque, musculaire, utérin, mais les résultats sont au final trop contradictoires. Stimulation, parfois, modération une autre fois… Ce n’est pas dans cette perspective qu’il faut regarder les vertus de notre plante.
- la schisandra présente des vertus antioxydantes,
- la schisandra améliore la gestion de l’oxygène dans l’organisme,
- la schisandra stimule la respiration tissulaire et l’apport énergétique.
- la schisandra présente des vertus protectrices du foie qui peuvent même interagir avec une action positive sur le microbiote.
au niveau de l’individu :
- la schisandra augmente l’endurance physique, la précision des mouvements.
- la schisandra augmente l’endurance et les performances mentales.
- la schisandra stimule le système nerveux central.
- la schisandra améliore la fonction visuelle et la vision nocturne.
- la schisandra augmente la capacité de résistance au stress.
3- Vertus et mode d'emploi
Voyons maintenant dans les médecines traditionnelles, les vertus rapportées à propos de cette plante :
- la schisandra est d’abord présentée comme un tonique nerveux, en plus d’apporter un effet tonique complémentaire sur de nombreux autres organes.
- elle est un stimulant sexuel notable aussi bien pour l’homme que pour la femme.
- la schisandra est présentée comme un grand remède anti-vieillissement.
- elle est un protecteur du foie, utilisée notamment devant les hépatites dues à l’alcool ou à des virus.
- la schisandra est présentée comme sédative, mais les descriptions qui y sont liées font comprendre qu’elle est anti-stress.
- elle est utilisée dans les maladies mentales, notamment la névrose.
- la schisandra régule les sécrétions, et agit favorablement sur la gestion de l’eau, notamment face à des mictions fréquentes.
- elle est enfin conseillée devant les affections de la vue et de l’ouïe.
Au final, pour ma part, qu’est ce que j’en déduis ?
D’abord, les découvertes sur les mécanismes au niveau cellulaire, que j’ai détaillés ci-dessus, attestent de trois choses :
- l’action anti-âge de la schisandra se confirme par une action complémentaire aux processus anti-radicalaires déjà existants pour faire face au stress oxydatif. C’est cette fameuse seconde balance qui vient compléter la première que j’ai exposé ci-dessus.
- cette seconde voie anti-vieillissement deviendrait très recommandable à partir de l’âge de 40/50 ans.
- observer des règles d’usage très simples : faire des cures courtes, répéter ces cures régulièrement, les combiner avec d’autres adaptogènes pris en les croisant (alternance des cures) ou en les associant (plusieurs adaptogènes pris ensemble).
Ensuite, les indications de Schisandra chinensis seraient donc ainsi :
A / Soit un usage ponctuel avec effet dans les heures qui suivent :
- manque de sommeil la nuit précédente, ou nécessité ponctuelle d’augmenter la vigilance durant quelques heures (vigilance au volant par exemple, ou compétition sportive immédiate),
- crise de foie,
- recherche d’un aphrodisiaque éphémère,
- ou tout simplement pour bien vieillir, c’est à dire vivre pleinement l’instant présent.
B/ Soit une consommation sous forme de cure, de préférence alternée chaque semaine avec un autre adaptogène (rhodiola, éleuthérocoque, ashwagandha, astragale, gomphréna…) :
- pour le sport, l’endurance, la forme en général,
- pour favoriser l’activité nerveuse, la vigilance, la réactivité et la mémorisation,
- pour renforcer l’organisme dans une période de déménagement, de modification substantielle du cadre de vie ou de travail, changement professionnel, rentrée scolaire, mariage ou séparation, décès...
La schisandra se prend à hauteur de 1 à 3 gélules, de préférence le matin. Si vous souhaitez bénéficier de son goût acidulé, il suffit d’ouvrir la gélule et de poser la poudre sur la langue.
Je n’ai pas voulu trop charger les explications ci-dessus, mais mon sentiment en tant que promoteur du totum, c’est que trop d’études scientifiques sont faites à partir d’extraits, ce qui limite les résultats. A l’inverse, les vertus que nous rapportent les médecines traditionnelles se basent sur des galéniques traditionnelles, donc très proches de notre démarche du totum…
Si vous devez consommer de la schisandra, assurez-vous que vous achetez bien du totum de fruit (ou de baie) et pas un extrait, quand bien même celui-là vous est présenté avec des garanties de teneurs en principes actifs. Faire confiance à la nature, voilà le leitmotiv d'un vrai herboriste...
A votre bonne santé !
Publications citées :
Panossian 2008 & All. - Pharmacology of Schisandra chinensis Bail.: An overview of Russian research and uses in medicine. Journal of ethnopharmacology, Vol118(2):183-212
Stranahan AM & All. - Recruiting adaptive cellular stress responses for successful brain ageing. - Nat Rev Neurosci. 2012 Jan 18;13(3):209-16.
Astier JF - Rhodiola, le nouveau ginseng. 2010 - Ed. de Terran. En vente en ligne ICI